Entretien avec M Driss Achbal, président de l’Association du Géoparc Mgoun
Dans cet entretien, Driss Achbal met en exergue les atouts qui sont à l’origine du rayonnement du paradis des géologues et les mesures prises en vue d’une meilleure protection du patrimoine géologique et de la mémoire du passé du Geoparc Mgoun.
« Aujourd’hui, ce territoire s’ouvre sur son environnement régional, national et international. Ce qui permettra de créer des richesses, des emplois et le développement des conditions socioéconomiques de la population. »
Le Maroc est le 1er pays arabe et africain à intégrer le réseau mondial de la labellisation du géoparc en 2014. Quels sont les atouts qui sont à l’origine de cette consécration ?
Driss Achbal : Le concept géoparc a été initié par L’ONU, par L’UNESCO depuis 2004. On a commencé à vulgariser le concept qui a été adopté par les gouvernements locaux au niveau international depuis 2008..Le travail au niveau du géoparc Mgoun a débuté depuis le début du concept. C’était, en fait, le comité scientifique, la mise en place de la structure de gouvernance de la gestion du géoparc qui a commencé au niveau du Maroc depuis 2008. Le géoparc a été labellisé par UNESCO en tant que patrimoine mondial pour la première fois en 2014. Et c’était le premier géoparc en Afrique et dans le monde arabe qui a eu ce label qui a été reconduit en 2019.
Le géoprac Mgoun est le paradis des géologues, c’est le haut atlas et le moyen atlas central avec toutes ses richesses et ses formations tectoniques , topographiques et géologiques très diversifiées : les formations karstiques, la cuvette de Ait Attab, les grottes , les Oueds, un certain nombre de valeurs paysagères naturelles exceptionnelles au niveau international…Il y a aussi la découverte des traces des dinosaures sur les plates formes du triasique et du jurasique qui indiquent que les dinosaures ont survécu sur ce territoire pendant 3 à 4 Millions d’années. Qui plus est , il y a la richesse culturelle naturelle qui fait du géoparc Mgoun un patrimoine architectural exceptionnel de richesse culturelle , matérielle et immatérielle de renommée internationale comme les greniers collectives de Aoujgal , de Sidi Moussa de Sidi Chita, les Kasbahs de Zaouit Ahansal, les constructions typiques au niveau de Anergui, Ait Boulli, les mosquées , les mausolées , la Zaouia de Tanaghmelt , les valeurs paysagères comme les cascades d’Ouzoud, la lac de Bin El Ouidane , la vallée Heureuse de Ait Bouguemmaz, , Taghia,le rocher de Mastférane ,Oued El Abid, Oued Ahansal, la pratique des sports de montagne, du tourisme écologique…Tout un travail qui se fait au niveau du territoire pour promouvoir et le tourisme solidaire et les sports de montagne dans le dessein de permettre aux populations qui vivent sur le territoire du Géoparc d’en tirer bénéfice.
Le géoparc Mgoun est situé sur une surface de 5700Km2, il est l’un des meilleurs sites au niveau national et africain qui a réussi à subjuguer les experts de L’UNESCO et qui a permis aussi à nos gouvernements locaux ( conseil de la région, conseil provincial d’azilal, le groupement des collectivités territoriales ) de comprendre la valeur authentique de ce concept ,de l’intégrer et de le soutenir pour avoir le label de L’UNESCO.
Quels sont les secrets du rayonnement du projet du géoparc Mgoun ?
Un grand nombre d’actions ont été concrétisées sur ce territoire et qui ont été à l’origine de cette apothéose et ce rayonnement. On a d’abord le musée de la géologie d’Azilal qui est typique sur le plan architectural et pédagogique et qui reflète l’image d’un patrimoine très important permettant aux étudiants , aux chercheurs , aux touristes…de découvrir cette richesse dont dispose le géoparc comme le dinosaure amilaki qui a été découvert au niveau de Tilouguit et qui occupe la coupole principale du musée, la zarafazora , le mozazure ,un certain nombre de fossiles et d’articles, de cartes , de photos et sept alcôves qui tracent la vie de la terre depuis sa création jusqu’à nos jours. Il y a aussi une salle de cinéma qui permet aux visiteurs de découvrir tout un territoire et sa richesse, une histoire humaine et géologique du haut atlas central et du Moyen Atlas. Par conséquent , des efforts considérables ont été déployés au niveau du territoire pour le désenclaver et relier les 22 sites géo localisés et géo conservés qui forment la richesse de notre patrimoine. N’oublions pas aussi la dynamique qui a été instaurée par les géo partenaires (Association des guides des montagnes, L’Associations des propriétaires des gites et des auberges au niveau du territoire, les Associations de la société civile, les coopératives en matière de développement de l’économie solidaire, le développement de la poterie, de l’artisanat, du safran , du câprier , du pistachier. Les coopératives travaillent sur la transformation du bois, il y a aussi, le club géoparc des sports de montagne et nautiques qui sont pleins d’activités et de dynamisme. Beaucoup de projets ont été réalisés sur le territoire qui a souffert, des années durant, de l’enclavement et qui est devenu très attractif. Aujourd’hui, ce territoire s’ouvre progressivement sur son environnement régional, national et international. Ce qui permettra de créer des richesses, des emplois et le développement des conditions socioéconomiques de la population.
Quelles sont les mesures que vous avez prises pour une meilleure protection du patrimoine géologique et de la mémoire du passé ?
Pour une meilleure protection du patrimoine géologique et de la mémoire du passé, une panoplie de mesures est prise portant sur un grand nombre d’actions ayant pour objectif de préserver le géoparc. Une convention de partenariat est signée entre l’Association géoparc, le Conseil de la région et le Ministère de l’Energie et des Mines qui est chargé de préserver le patrimoine précité. En outre, notre présence sur ce territoire labellisé nous a permis de booster cette confiance avec les départements ministériels pour réaliser les objectifs escomptés. Il y a aussi, au niveau territorial, la mise en œuvre et la valorisation d’un grand nombre de fossiles , d’objets d’art et de géologie au niveau du musée . Notez que des traces de dinosaures ont été découvertes au niveau du site d’Iwariden, d’Ibaklliwns, de Ait Boulli, du côté du lac Bin El Ouidane. Ainsi, l’Association géoparc déploie des efforts louables pour protéger ces géo sites par la construction d’un mur de clôture, la mise en place d’un gardiennage et des panneaux de signalisation et d’informations qui indiquent aux touristes l’importance de cette richesse. Qui plus est , il y a le travail qui se réalise avec notre comité scientifique présidé par des enseignants universitaires de Rabat , de Beni Mellal et de Marrakech en vue de participer à la promotion de la Recherche scientifique, en collaboration avec les chercheurs, les professeurs , les étudiants.. En outre, l’action est mise sur la production de publications relatives à ce patrimoine géologique au niveau de jbal rat , tizi Ntirghist où on a des gravures rupestres qui remontent à 3 Millions d’années. C’est un site fabuleux où on travaille avec le département du patrimoine culturel pour la mise en place d’un parc national de gravures rupestres de plus de 1400 gravures géo localisées et géo conservées avec un gardiennage et un centre d’interprétation.
Au niveau de la population, tout le monde s’approprie le concept géoparc et son patrimoine géologique et veille à sa construction et à sa protection.
Quel est le rôle que joue le géoparc Mgoun dans la promotion du tourisme au niveau régional, national et international ?
Le géoparc, en tant que concept, s’assigne pour objectif de promouvoir le tourisme écologique et celui de montagne. Une convention de partenariat a été signée entre le Ministère du tourisme , le Conseil régional et l’Association géoparc pour la mise à niveau des sites touristiques existant au niveau du géoparc comme le projet de la construction d’un parc ludique de 7 hectares à Ouzoud, la mise à niveau du pont suspendu de Iminifri, la mise en place d’une base nautique pour les sports de montagne particulièrement le canyoning, le rafting, l’escalade au niveau des sources de Oued Ahansal et du rocher de Mastferante.… D’autres projets touristiques sont à l’ordre du jour en vue de participer au développement du tourisme dans ces contrées paradisiaques.
D’autres conventions de partenariat, qui ont été signées, ont pour objectif de promouvoir les sports de montagne, les sites, les auberges et les gites destinés à l’accueil des touristes. .Une autre convention est signée avec l’Association des guides de montagne pour plus de formations et de renforcement des capacités des acteurs. Dernièrement, une visite a été effectuée au géoparc par son Excellence l’Ambassadeur des EU d’Amérique, d’une délégation de Rabat et de l’Ambassade Suisse.
Sur le plan international, le géoparc a signé une convention de jumelage avec le géoparc des Bauges en France , avec le Ministère de l’Intérieur du Maroc à travers la Direction générale des collectivités territoriales et le Conseil de l’Europe pour la promotion de la production du fromage du géoparc et le développement des sports de montagne. D’autres actions ont été réalisées avec la Fédération Marocaine de Ski et des sports de montagne, avec le Club français de l’escalade et d’alpinisme de Casa pour organiser des activités sportives au niveau du territoire du géoparc. Ce dernier, en tant que membre de la GGN, depuis 2019, est toujours présent sur le plan international. En tant qu’Association, on est appelé à accompagner tous les projets du géoparc au monde arabe et en Afrique francophone pour qu’il puisse intégrer le concept géoparc et présenter sa candidature en vue d’une labellisation par L’UNESCO. Et pour la première fois, en Afrique et dans le monde arabe, à travers le géoparc Mgoun et la Région de Beni Mellal Khénifra, on a présenté notre candidature pour organiser la 10ème conférence internationale des géoparcs qui est organisée tous les deux ans et à laquelle assisteront les 161 géoparcs labellisés par L’UNESCO et plus de 1500 participants : des scientifiques , des touristes , des amateurs de sports de montagne…D’ailleurs, on a une grande chance que la candidature du Maroc soit acceptée dans la mesure où cette année, L’UNESCO et la GGN accordent une importance primordiale à L’Afrique. Qui plus est, on a concrétisé tout un travail de communication et de promotion : on a engagé une agence de communication qui a préparé 7 films promotionnels pour les meilleurs géo sites situés au niveau du territoire du géoparc : la cathédrale de Mastferant, Zaouit Ahansal , Ai Bougmez , Ouzoud, le lac Ben El Ouidane et le musée d’Azilal…des efforts considérables ont été réalisés en collaboration avec les Agences de voyage et nos partenaires qui sont l’Association des guides des montagnes, et l’Association des propriétaires des gites au niveau du géoparc…
Quels sont les nouveaux horizons ouverts par la labellisation du Géoparc Mgoun ?
Actuellement, le géoparc travaille avec les géo partenaires pour accorder le label aux produits du terroir qui sont produits au niveau du territoire du géoparc. Par exemple, le Safran, 15 collectivités territoriales. C’est un projet de 350 hectares, déjà en première année, nous étions à 80 Kg, en deuxième année 150 Kg et cette année, on ambitionne d’atteindre 350 Kg de safran. On travaille aussi avec les restaurateurs dans le cadre du renforcement des capacités pour avoir un menu géoparc et surtout dans le dessein de faire connaitre la gastronomie locale (le tagine, les produits bio…).
Malgré la pandémie du nouveau coronavirus, on a prévu un grand nombre d’actions comme l’organisation du 1er semi-marathon du géoparc, du 1er festival écologique du géoparc… Et sur notre agenda , on a la création de 3 maisons du géoparc au niveau de Iwariden de Ait Bouguemaz et de Zaouit Ahansal , la création d’un gite écologique au niveau de Taghia et la mise en place de la première viaferrata au Maroc qui sera mise en place pendant le 1er semestre de 2021 en collaboration avec la Fondation Atlas culture et aventure. Les études et le choix du site ont été déjà réalisés et le financement mobilisé. N’oublions pas que l’ouverture officielle du musée sera à l’origine du drainage d’un flux intéressant de touristes au niveau d’Azilal et des géo sites du géoparc.
Beaucoup d’autres actions sont programmées cette année. Espérons que les conditions sanitaires seront favorables pour la réalisation de tous les objectifs et les projets escomptés.
Quelles sont vos perspectives d’avenir ?
On travaille d’une manière acharnée pour l’ancrage du géoparc au niveau des populations. Nous voudrions que ces dernières adoptent ce projet, qu’elles soient ses ambassadeurs et qu’elles défendent le concept géoparc pour le valoriser. Notre grand souci et notre priorité, c’est notre candidature pour l’organisation de la conférence sur les géoparcs et l’accompagnement du projet du géoparc au Maroc plus particulièrement, le géoparc de Jbal Bani et du Moyen Atlas avec l’Université de Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès et accompagner notre projet du géoparc au niveau de L’Afrique plus particulièrement au Sénégal , au Mali, au Niger , en Égypte , en Tunisie et d’autres projets qui seront programmés ultérieurement. J’espère que l’ouverture officielle du musée sera la meilleure chose qui sera réalisée en 2021.
Notons enfin que l’Association géoparc a présenté sa candidature pour avoir l’utilité publique. Le dossier a été déposé au Secrétariat du Gouvernement .
Propos recueillis par SAID FRIX Beni Mellal