Rapport français : Le Maroc se tourne vers des méthodes de dessalement risquées en raison d’une grave sécheresse
Les usines de dessalement du Maroc étanchent la soif en pleine sécheresse, mais un rapport français met en garde contre les coûts environnementaux et appelle à des solutions plus durables pour éviter une crise mondiale de l’eau.
Alors que le Maroc traverse sa sixième année consécutive de sécheresse, les autorités s’efforcent de trouver de nouveaux moyens d’approvisionner la population en eau potable.
Parmi les solutions déployées figure le dessalement de l’eau de mer, une méthode dont les impacts environnementaux sont loin d’être anodins, selon un récent rapport du média français Vert Eco.
Le Maroc est confronté à une crise de l’eau, avec un déficit pluviométrique de 70% enregistré en janvier par rapport à la moyenne des 30 dernières années, a indiqué le ministère de l’Eau et de l’Equipement .
La hausse des températures estivales, qui peuvent atteindre 50°C, assèche les nappes phréatiques et menace les cours d’eau.
En réponse, le royaume ambitionne de produire 1,7 milliard de mètres cubes d’eau dessalée par an d’ici 2030 à travers une trentaine d’usines, soit de quoi alimenter en eau potable la moitié de la population, a annoncé SM le Roi Mohammed VI en juillet.
Actuellement, 11 installations de dessalement sont opérationnelles, dont une dans la province d’Al Hoceima, au nord-est du pays, qui peut générer jusqu’à 17 280 mètres cubes par jour.
Cependant, le rapport Vert Eco souligne les effets néfastes du dessalement sur la biodiversité marine.
La saumure – une substance salée hautement concentrée mélangée à des produits chimiques utilisés dans le processus de traitement – est rejetée dans la mer.
« À long terme, cela affecte la concentration en sel du système côtier », explique Julie Trottier, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
La réduction des niveaux d’oxygène peut nuire à la capacité de l’océan à capturer le CO2 et nuire à la durée de vie, au système immunitaire et à la reproduction de certaines espèces.
Par ailleurs, le dessalement est un procédé très énergivore. L’usine d’Al Hoceima consomme 3,1 kWh par mètre cube, soit près de 20 millions de kWh par an, soit l’équivalent de la consommation d’électricité d’environ 20 800 Marocains sur 12 mois.
Alors que la majeure partie de l’électricité est encore produite à partir de combustibles fossiles, une étude de l’Institut français des relations internationales (Ifri) estime que le dessalement émet au moins 120 millions de tonnes de CO2 chaque année à l’échelle mondiale.
Alors que le Maroc explore des solutions en matière d’énergies renouvelables, notamment un projet d’installation à Casablanca qui fonctionnerait entièrement à l’énergie verte, les experts avertissent que le dessalement représente en fin de compte une mauvaise adaptation au changement climatique.
« C’est comme si on se précipitait vers une falaise et qu’au lieu d’appuyer sur le frein, on appuie sur l’accélérateur », prévient M. Trottier.
Le directeur de recherche est un défenseur des pratiques de gestion durable de l’eau qui tiennent compte des limites de la planète.
Alors que les pays du monde entier se tournent de plus en plus vers le dessalement, avec quelque 22 000 usines en activité à travers le monde, le rapport Vert Eco soulève des questions cruciales sur la durabilité et les impacts à long terme de cette approche « techno-solutionniste » de la pénurie d’eau.
Si le dessalement offre une bouée de sauvetage aux populations déshéritées, il risque également d’aggraver la crise climatique qu’il cherche à atténuer.