Les particularités du Contrat d’Assurance en Droit Marocain.. Comment déjouer les écueils juridiques et techniques ?

M.Abdallah Khial est un spécialiste de longue date de l’assurance, soit plus de 36 ans d’expérience. Docteur d’Etat en Droit Privé, M.Khial est également consultant juridique d’Assurances, professeur vacataire en droit des assurances dans l’enseignement supérieur, Conseiller juridique et formateur. Dans cette analyse, il décrypte tout ce qui est en mesure de déjouer les écueils juridiques et techniques dans un contrat d’assurance. Très important à savoir.

 

 

Pourquoi avons-nous besoin de l’assurance ?

L’assurance est, par définition, un système qui permet de prémunir un individu, une association ou une entreprise contre les conséquences financières et économiques liées à la survenance d’un risque (événement aléatoire) particulier.

L’assurance est un système de gestion des risques basé sur la notion de solidarité.

  1. Rôles de l’assurance :

Protéger les patrimoines et les personnes en reconstituant  le  patrimoine des assurés et de  fiabiliser des relations commerciales :

Les entreprises d’assurances et de réassurances sont des investisseurs institutionnels qui drainent l’épargne nationale au profit de l’économie en favorisant l’investissement

  1. Grandes catégories d’assurance :
  • A) Assurances dommages

Elles permettent d’obtenir une indemnisation en cas de sinistre.

Elles se composent des assurances de biens et des assurances de responsabilité

  • a) Assurances de biens

Elles garantissent l’indemnisation des préjudices subis par l’assuré suite à des dommages et pertes causés aux biens lui appartenant

  1. b) Assurances de responsabilité

Elles garantissent les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que l’assuré peut encourir à raison de dommages corporels, matériels ou immatériels causés aux tiers.

 

 

  • B) Les assurances de personnes
  1. Assurances vie

Cette assurance a pour objet la couverture des risques dont la survenance dépend de la survie ou du décès de l’assuré

  1. Assurances des accidents corporels et maladie/maternité

Ces assurances couvrent les risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne assurée, des risques liés à la maladie ou à la maternité ou des risques d’incapacité et d’invalidité.

  1. La capitalisation

L capitalisation a pour objet de constituer une épargne avec un rendement minimum.

  • Définition du contrat d’assurance

La loi 17-99 portant code des assurances, contrairement à la loi française en la matière, définit le contrat d’assurance comme étant « la convention passée entre l’assureur et le souscripteur pour la couverture d’un risque et constatant leurs engagements respectifs »

La définition la plus exhaustive est celle donnée par le professeur Joseph Hémard : « le contrat d’assurance se présente comme étant la convention par laquelle une partie, l’assuré se fait promettre moyennant une rémunération, la prime, pour lui ou pour un tiers en cas de réalisation d’un risque, une prestation par une autre partie, l’assureur qui, prenant en charge un ensemble de risques les compense conformément à la loi de la statistique ».

 

 

 

 

  1. Caractéristiques du contrat d’assurances

Le contrat d’assurance est à la fois un contrat bilatéral, consensuel, synallagmatique, aléatoire, à exécution successive, d’adhésion, onéreux et de bonne foi.

  1. Obligation précontractuelle de l’assureur
  2. Devoir d’information

L’article 10 alinéa 1er du code des assurances marocain dispose que « Préalablement à  la souscription du contrat, l’assureur remet à l’assuré un exemplaire du projet de contrat comportant le prix ou une notice d’information qui décrit notamment les garanties assorties des exclusions, le prix y afférent et les obligations de l’assuré »

Or, aucune mesure d’application n’a été prise pour faire appliquer ce texte aux entreprises d’assurances au Maroc.

De plus, le Code des assurances n’a pas intégré l’obligation d’information précontractuelle telle que prévue par la loi 31-08 édictant des mesures de protection du consommateur.

Le code des assurances marocain ne s’est pas non plus inspiré du code des assurances français qui prévoit dans son article L. 112-2 du que « l’assureur doit obligatoirement fournir une fiche d’information sur le prix et les garanties avant la conclusion du contrat ». L’article R112-3 du décret d’application du code des assurances français précise que « la remise de ces documents est obligatoirement attestée par la signature du proposant accompagnée d’une mention reconnaissant leur remise ainsi que la date de celle-ci ».

  1. Devoir de conseil

Ce devoir mis à la charge de l’assureur consiste  fournir toutes les informations de nature à permettre au souscripteur ou à l’adhérent de choisir des garanties adaptées aux risques à couvrir et de vérifier si le contrat proposé correspond aux besoins du candidat à la souscription.

Le conseil doit être fortement personnalisé et non fourni au regard d’une situation standard.

  1. Obligations de l’assureur après la signature du contrat

L’article 17 du code des assurances dispose que « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans le contrat; l’assureur ne répond pas, nonobstant toute convention contraire, des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ;

L’assureur est garant des pertes et dommages causés par des personnes dont l’assuré est civilement responsable en vertu de l’article 85 du dahir du 9 ramadan 1331 (12 août 1913) formant Code des obligations et contrats, quelles que soient la nature et la gravité des fautes de ces personnes. »

L’article 19 du code des assurances dispose que « Lors de la réalisation du risque garanti ou à l’échéance du contrat, l’assureur est tenu de payer dans le délai convenu l’indemnité ou la somme déterminée d’après le contrat ».

« L’assureur ne peut être tenu au-delà de la somme assurée ».

« Est prohibée toute clause par laquelle l’assureur interdit à l’assuré ou à son représentant de le mettre en cause ou de l’appeler en garantie à l’occasion du règlement des sinistres ».

 

 

 

  1. Droits et Obligations de l’assuré

En vertu des dispositions de l’article 20 du code des assurances, l’assuré est obligé :

1° de payer la prime ou cotisation aux dates convenues ;

2° de déclarer exactement, lors de la conclusion du contrat, toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend à sa charge ;

3° d’adresser à l’assureur, aux dates fixées par le contrat, les déclarations qui peuvent être nécessaires à l’assureur pour déterminer le montant de la prime, lorsque cette prime est variable ;

4° de déclarer à l’assureur, conformément à l’article 24 de la présente loi, les circonstances spécifiées dans la police qui ont pour conséquence d’aggraver les risques ;

5° de donner avis à l’assureur, dès qu’il en a eu connaissance, et au plus tard dans les cinq (5) jours de sa survenance, de tout sinistre de nature à entraîner la garantie de l’assureur.

  1. Quelles sont les clés pour couvrir ses risques
  2. Identifier et évaluer les risques
  • Dresser une liste de risques possibles que l’entreprise encourt elle-même, mais aussi qu’elle fait courir à des tiers (clients, fournisseurs, visiteurs, …)
  • Classer les risques selon leurs causes  (techniques,  humaines,  réglementaires,  …) de  manière à définir par la suite des actions de prévention et de maitrise adaptées à chaque risque
  • Apprécier l’impact de chacun des risques détectés et de déterminer globalement leurs coûts

 

B ) Traiter les risques

  • Diminuer la probabilité de réalisation des risques tout en limitant la gravité de ses conséquences

Option 1 : transférer le coût du dommage à un tiers par le système d’assurance

Option 2 : accepter le risque tout en le surveillant par l’auto-assurance ou la non-assurance

 

 

C ) Suivre et contrôler les risques

  • Réajuster et actualiser la liste des risques potentiels
  • Faire attention à certains risques considérés par l’assuré initialement comme faibles, peuvent devenir ou s’avérer inacceptables pour l’entreprise.
  • V) Comment bien négocier son contrat d’assurance
  • A) Bien savoir lire son contrat d’assurance
  • Vérifiez que vous détenez un contrat complet (conditions générales, conditions particulières, et les avenants éventuels) ;
  • Vérifiez l’exactitude du nom et de l’adresse de l’assuré ;
  • Assurez-vous que l’assurance couvre tous les aspects dont vous avez besoin ;
  • Assurez-vous que la compagnie d’assurance et l’intermédiaire d’assurances sont clairement identifiés ;
  • Lisez attentivement les conditions : certains contrats exigent que l’assuré se conforme à toutes les conditions avant de présenter une réclamation.
  • Éclaircissez tout terme obscur ou non défini dans le contrat.
  • Recherchez les mots qui ne sont pas clairs dans un dictionnaire afin d’en saisir le sens courant.
  • B) Faire jouer la concurrence entre assureurs
  • Pour examiner les offres, sachez qu’un contrat à un prix bas ne fournit pas toujours la meilleure protection et qu’un comparatif objectif des offres d’assurances doit prendre en compte les mêmes paramètres, c’est-à-dire les garanties, les exclusions, les franchises, et les primes d’assurances
  • C ) Etape la plus critique : Bien analyser les clauses d’exclusion de garantie
  • Les clauses d’exclusions sont soumises au formalisme rédactionnel très strict et la clause d’exclusion n’est pas valide si elle n’est pas rédigée en caractères très apparents. Une clause d’exclusion doit être comprise par l’assuré dès la première lecture. Autrement dit, l’assuré doit savoir, en lisant attentivement la police d’assurance, dans quels cas et circonstances il n’est pas garanti.
  • L’article 14 dispose à cet effet que « sous réserve des dispositions spéciales prévues pour les assurances de responsabilité, les clauses des contrats édictant des nullités prévues par le présent livre, des déchéances, des exclusions ou des cas de non assurance ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents »
  • Exemples d’exclusions sanctionnées par la jurisprudence
  • La jurisprudence notamment en France est constante. Elle déclare nulles les clauses trop vagues et trop « spacieuses » qui vident la garantie d’assurance de toute sa substance ou encore les clauses qui sont ambiguës et qui manquent de clarté et qui laissent l’assuré dans l’ignorance et l’incompréhension de ce qui est précisément exclu de la garantie d’assurance.
  • La jurisprudence a tiré plusieurs conséquences :
  • Le silence de l’assuré ne vaut pas acceptation de la clause d’exclusion ;
  • L’avenant au contrat d’assurances doit être accepté par l’assuré, la preuve de l’acception incombe à l’assureur ;
  • Les clauses d’exclusion doivent être prouvées par l’assureur et non par l’assuré ;
  • L’évènement exclu de la garantie doit être à l’origine du sinistre.
  • VI – Maitriser les principales techniques de l’assurance

 

 

  • 1) Durée et prise d’effet du contrat
  • Durée du contrat : L’article 6 de la loi 17-99 dispose que « la durée du contrat, qui doit être mentionnée en caractères très apparents, est fixée par la police » .
  • « Lorsque la durée du contrat est supérieure à une année, elle doit être rappelée en caractères très apparents par une mention figurant au-dessus de la signature du souscripteur. À défaut de cette mention, le souscripteur peut, nonobstant toute clause contraire, résilier le contrat chaque année, à la date anniversaire de sa prise d’effet, moyennant un préavis de trente (30) jours.
  • Tacite reconduction: renouvellement automatique du contrat
  • Prise d’effet du contrat : Le contrat prend effet immédiatement dès que les parties sont d’accord sur les conditions essentielles (nature du risque assuré, prime, durée du contrat etc… Cependant, la prise d’effet peut être subordonnée à un événement donné ; la confection du contrat, la signature de la police ou le paiement de la prime. En tout état de cause, le contrat doit obligatoirement mentionner avec précision le moment de la prise d’effet (article12 de la loi 17-99).
  • Les contrats sont classiquement assortis de différentes clauses retardant la prise d’effet du contrat à une date ultérieure :
  • – clause de prise d’effet le lendemain à midi du jour de la conclusion du contrat,
  • – clause de prise d’effet à une date déterminée,
  • – clause de prise d’effet le lendemain à midi, du jour de  paiement de la première prime
  • 2) Résiliation du contrat par l’assuré
  • Le code des assurances permet à l’assuré de résilier le contrat d’assurance dans les cas suivants :
  • En cas de disparition de circonstances aggravant les risques assurés mentionnés aux conditions particulières, si l’assureur refuse de diminuer le montant de la prime en conséquence (article 25) Ne s’applique pas aux assurances sur la vie
  • En cas de résiliation après sinistre, par l’assureur, d’un autre contrat (article 26 du code des assurances)
  • 3) Résiliation du contrat par l’assureur
  • Votre assureur a la possibilité de résilier le contrat d’assurance dans les cas suivants :
  • En cas de non-paiement d’une prime ou d’une fraction de prime (articles 21, 86 ou 102 du code des assurances)
  • En cas d’aggravation des risques par le fait ou sans le fait de l’assuré (article 24 du code des assurances) Ne s’applique pas aux assurances sur la vie ;
  • En cas de déconfiture ou de liquidation judiciaire de l’assuré (article 27 du code des assurances)
  • En cas de décès de l’assuré (article 28 du code des assurances)
  • En cas d’aliénation du bien assuré (article 28 du code des assurances)
  • Avant sinistre, en cas d’omission ou d’inexactitude dans la déclaration des risques soit à la souscription, soit en cours de contrat (article 31 du code des assurances)

 

 

  • 4) La suspension des garanties
  • La suspension des garanties peut se faire par l’accord des parties en cas de réquisition de la chose assurée, à l’initiative de l’assureur en cas de non-paiement d’une prime ou d’une fraction de prime (Article 21 ou 102)
  • 5) La prescription
  • Le délai de prescription est de 2 ans à compter de l’événement qui y donne naissance.
  • Pour les contrats d’assurance de personnes, il est de 5 ans à compter de l’événement qui y donne naissance.
  • Pour les contrats d’assurance en cas de vie et de capitalisation, il est de 10 ans lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur.
  • L’article 13 du code des assurances impose l’insertion d’une clause obligatoire rappelant les dispositions relatives à la prescription.
  • 6) Règle proportionnelle
  • C‘est un principe qui s’applique en matière d’assurance de dommages en vertu duquel, en cas de sinistre, l’indemnité est réduite dans la proportion du rapport entre la prime effectivement payée et celle due, s’il y a insuffisance de prime par rapport aux caractéristiques du risque (article 31 de la loi n° 17-99 – impératif).

Taux de prime appliqué

Montant du dommage x————————————

Taux de prime dû

 

6) La déchéance

La déchéance est la perte du droit à indemnité au titre d’un sinistre suite au non-respect par l’assuré de l’un de ses engagements, sans que cela n’entraîne la nullité du contrat.

Les clauses de déchéances doivent être mentionnées en caractères très apparents.

Le code des assurances interdit les clauses de déchéance qui sanctionnent l’assuré en raison de violation des textes législatifs ou réglementaires ou à raison de simple retard dans la déclaration du sinistre aux Autorités ou dans la production de pièces.

 

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