Economie circulaire.. Les déchets plastique, une vraie ressource pour le BTP

Plus de 350 millions de tonnes de déchets plastique sont générées chaque année à l’échelle de la planète et menacent les écosystèmes, la santé et le climat. Réunie du 31 mai au 2 juin à Paris, la communauté internationale s’est donnée jusqu’à la fin de l’année 2024 afin de parvenir à un traité mondial juridiquement contraignant pour éradiquer la pollution plastique dans le monde. En attendant, les plastiques usagés ont commencé à trouver de nombreux débouchés dans le bâtiment. Exemples d’innovations à travers le monde et regard sur le marché national.

 

Après le climat, la communauté internationale s’attaque au plastique. C’est dans le but d’éradiquer ce fléau planétaire, que la capitale française, Paris, a accueilli, du 31 mai au 2 juin derniers, le deuxième sommet mondial sur le plastique dont l’objectif est de travailler à la mise en place d’un traité mondial juridiquement contraignant pour éradiquer la pollution plastique dans le monde, dès l’année prochaine.

En attendant le 3ème sommet mondial, prévu en novembre prochain à Nairobi au Kenya, la journée mondiale de l’environnement, célébrée le 5 juin 2023 à Abidjan en Côte d’Ivoire, était également axée sur le même sujet, notamment sur le thème « combattre la pollution plastique ». C’était notamment l’occasion de rappeler que les actions des citoyens en matière de pollution plastique sont importantes et que les mesures prises par les gouvernements et les entreprises pour lutter contre la pollution plastique sont la conséquence de cette action. Selon le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), il est temps d’accélérer cette action et de passer à une économie circulaire. Joignant le geste à la parole, l’instance onusienne a proposé une toute nouvelle approche qu’il a consignée dans un document intitulé « Fermer le robinet : comment le monde peut mettre fin à la pollution plastique et créer une économie circulaire ». À en croire la directrice exécutive du Programme des Nations Unie pour le Développement (PNUD), Inger Anderse, la prise en compte de cette feuille de route par les gouvernements et les entreprises pourrait permettre de réduire la pollution plastique de 80% à l’horizon 2040 (Voir encadré ci-dessous).

 

La règle des 3R déjà appliquée dans le bâtiment                                                                    

En tous cas, la règle des 3R (Réutiliser, Réduire et Recycler) de l’économie circulaire appliquée au plastique est de plus en plus utilisée dans le bâtiment à travers le monde. En effet, les plastiques usagés trouvent de nombreux débouchés dans le monde du bâtiment. Les exemples concernent autant les grands groupes que de petites entreprises qui réussissent à mettre au point d’ingénieux process. Parmi les exemples notables, citons le français Soprema, l’un des leaders mondiaux de l’étanchéité et de l’isolation des bâtiments, qui a créé de toutes pièces une nouvelle filière de recyclage des barquettes et bouteilles en PET opaque. Après de multiples tests qui ont exploré les voies du recyclage mécanique et du recyclage chimique, les équipes de Soprema ont réussi à transformer les déchets de PET opaque en polyol, un polymère utilisé dans la fabrication des mousses d’isolation. C’est ainsi que depuis 2019, l’entreprise était déjà capable de recycler environ 5 000 tonnes de PET opaque, un chiffre qu’elle pourrait doubler dès la fin de cette année.

 

La règle des 3R (Réutiliser, Réduire et Recycler) de l’économie circulaire appliquée au plastique est de plus en plus utilisée dans le bâtiment à travers le monde

 

En attendant, il faut savoir qu’en Europe, 70% du PVC produit sont destinés au secteur du bâtiment. 100% recyclable, ce polymère est de plus en plus recyclé grâce à VinylPlus, un engagement volontaire mis en place par l’industrie européenne du PVC qui a promis de recycler 900 000 tonnes par an d’ici 2025. Une fois broyés, les fenêtres, portes, câbles et tuyaux en fin de vie sont transformés mécaniquement. Les granules obtenus peuvent être réutilisés pour les mêmes applications. Un autre débouché du PVC recyclé repose sur son inclusion dans de la sciure de bois. Ces composites plastique/bois sont aujourd’hui principalement voués à la fabrication de lames de terrasse. L’accueil est plutôt favorable, car ce matériau, qui imite si bien le bois, est imputrescible, sans entretien et surtout moins onéreux que du bois exotique. Aux Etats-Unis, il sert également au bardage de bâtiments résidentiels. Enfin, des études sont en cours pour utiliser ce « nouveau » matériau dans des éléments de charpente.

Plusieurs nouveaux matériaux de construction issus des déchets plastique

Ce n’est pas tout. Il y a, en effet, d’autres matériaux de construction issus des déchets plastique. Les projets ne manquent pas… Certains peuvent même faire sourire ; tandis que d’autres, au contraire, semblent réellement aboutis. Comme celui de Peter Lewis, un Néo-Zélandais qui s’était mis en tête de transformer des déchets plastique en briques. Il lui aura fallu dix ans pour mettre au point ByFusion, une machine qui, en seulement trois minutes, peut hacher, laver, rincer et compresser n’importe quels déchets en plastique pour les transformer en une brique de 10kg. Une sérieuse solution pour désengorger les déchetteries… Mieux encore, sa machine est capable de changer la forme et la densité du parpaing en fonction des besoins. Légères, solides, ces briques s’empilent sans avoir besoin d’être collées, un peu à la manière d’un LEGO®. Selon le concepteur, les avantages de ByFusion sont considérables : la fabrication de la brique émet 95% de gaz à effet de serre de moins que celle du béton, et tous les polymères sont compatibles. De plus, les plastiques sont naturellement isolants. Peter Lewis a réussi à se faire subventionner par le ministère de l’Écologie néo-zélandais et a d’ores et déjà signé des accords de partenariat avec la déchetterie de la ville de Dunedin.

 

En Europe, 70% du PVC produit sont destinés au secteur du bâtiment. Ce polymère 100% recyclable y est de plus en plus recyclé

 

Des solutions innovantes dans plusieurs parties du monde

De l’autre côté de la planète, plus exactement en Argentine, on cherche également des solutions. Ainsi, en 2015, des jeunes Argentins ont créé la Fundacion Ecoinclusion pour revendiquer une société plus juste dans un monde plus durable. L’une de leurs missions passe par le logement qu’ils espèrent rendre accessible au plus grand nombre. Il faut donc en réduire les coûts, notamment ceux liés à la construction. Cette équipe s’est intéressée aux déchets plastique qu’elle a également réussi à transformer en briques. Seule différence, leur process ne fonctionne qu’avec du PET issu de bouteilles usagées, et les briques nécessitent d’être cimentées pour être érigées en mur. Preuve du sérieux de leur projet, celui-ci a été récompensé par le prestigieux Google Challenge. Impact sociétal, impact environnemental, le défi a été relevé avec brio par ces jeunes gens. Leurs briques ont été certifiées par le secrétariat d’ONU-Habitat, et leur machine a fait l’objet d’un dépôt de brevet. Il faut une vingtaine de bouteilles pour concevoir une brique qui a les mêmes caractéristiques mécaniques que celle en argile tout en étant plus performante du point de vue de l’isolation thermique.

Pour en finir avec ces initiatives remarquables, citons aussi Bamboo House, une entreprise indienne initialement spécialisée dans la construction de logements en bambou. Son credo actuel : considérer les sacs plastique usagés comme une ressource et leur éviter la mise en décharge. Prashant Lingham, le fondateur de la société, a imaginé une machine susceptible de transformer des sacs en plastique en plaques destinées à la construction de petits bâtiments. Pour une maison de deux pièces, 2,5 tonnes de plastique sont nécessaires (ce qui correspond à quelques dizaines de millions de sacs…). A lui seul, le toit est constitué de 5 millions de sacs. Seul problème, le procédé de fabrication reste onéreux et a donc un impact sur le coût de construction. Prashant Lingham espère cependant convaincre de nombreux clients de l’importance environnementale de son projet. A noter que Bamboo House a déjà remporté un joli succès en créant des dalles en plastique recyclé posées désormais sur plusieurs trottoirs de la ville d’Hyderabad.

Autre projet d’utilisation de plastique recyclé et non des moindres, c’est une sorte d’igloo isotherme à base de mousse de polyuréthane et de feuilles d’aluminium conçu par un jeune Français. Ce n’est pas le grand luxe, mais son abri permet de conserver une température de 15°C à l’intérieur quand le thermomètre extérieur frôle le 0°C et même jusqu’à 20°C lorsque deux personnes se trouvent dans l’igloo. Le concept a déjà fait ses preuves. S’il ne règle en rien le problème du logement, il permet de parer à l’urgence et ainsi d’épargner quelques dizaines de vies chaque année parmi les sans-abri notamment durant l’hiver en Hexagone et dans les pays partageant le même type de climat tempéré.

 

Rien d’autre au Maroc après le « Zero Mica »

Au Maroc, les pouvoirs publics ont réussi avec brio à déployer un plan « Zero Mica ». L’opération, lancée en juillet 2016, a en effet permis, grâce à la loi portant interdiction de la fabrication, de l’importation, de l’exportation, de la commercialisation et de l’utilisation des sacs en matière plastique, de remplacer ces sacs par d’autres en toile. Les sacs en plastique à usage unique étaient, en effet, un véritable fléau dans un pays où le ramassage et la gestion des déchets ne sont pas au même niveau que dans les grandes capitales européennes. «Les ménages marocains en consommaient environ 25 milliards par an. Sauf qu’après utilisation, ces sacs finissaient dans la nature, faute d’une filière de récupération et de recyclage. Conséquence: des océans à perte de vue de sacs en plastique dont la durée de vie est estimée à près de quatre siècles et donc un impact désastreux sur l’environnement», notait l’Economiste.                                                                                         Excepté cette prouesse, malheureusement, il y a de très rares initiatives de valorisation du plastique usagé au Maroc. Très peu d’usines de recyclage de déchets plastique existent dans le pays. Et si il y en a, elles ont dans leur écrasante majorité des activités orientées vers d’autres secteurs que celui du bâtiment. En effet, « à ma connaissance, il n’y a pas encore de produits en plastique recyclé utilisés dans le bâtiment au Maroc», confirme l’architecte Chakib Benabdellah, membre du Conseil National de l’Ordre des Architectes, contacté par BTP News. « A Casablanca, où j’exerce, et je présume que c’est ce qui se passe dans toutes les villes côtières du Maroc, on retrouve le plastique dans le bâtiment à deux niveaux : dans la plomberie et dans l’installation électrique. Cela représente moins de 5% des matériaux de construction que nous utilisons », explique-t-il. Pour l’anecdote, il faut savoir que ce pourcentage aurait pu être inférieur si les tuyaux en fonte résistaient mieux à l’humidité de l’air causée par la proximité de l’océan Atlantique.                                                                                                Bref, le plastique est encore utilisé dans sa forme la plus rudimentaire dans le bâtiment au Maroc. Ce qui veut dire que note pays est encore à des années lumière de ce qui se fait ailleurs dans le monde dans ce domaine.

 

Six axes pour éradiquer la pollution plastique                       

 Le PNUE a développé une approche novatrice basée sur six axes pour venir à bout de la pollution plastique dans le monde. Dans un premier temps, l’organisme de l’ONU propose de changer le système en accélérant la réutilisation, le recyclage, la réorientation et la diversification (RRR+D), et en prenant des mesures pour faire face à l’héritage de la pollution plastique. Ainsi, «100 millions de tonnes de plastique provenant de produits à usage unique et à courte durée de vie devront encore être traitées en toute sécurité chaque année d’ici à 2040», indique le PNUE.

Un marché circulaire : RRR + D devra également être créé. Ainsi, la promotion des options de réutilisation, y compris les bouteilles réutilisables, les distributeurs en vrac, les systèmes de consigne et de reprise des emballages permettraient de réduire de 30% la pollution plastique d’ici à 2040. Pour réaliser ce potentiel, les gouvernements devront contribuer à renforcer les arguments commerciaux en faveur des produits réutilisables.

 

Le Néo-Zélandais, Peter Lewis, qui s’était mis en tête de transformer des déchets plastique en briques a finalement réussi son pari. Mais, il lui a fallu dix ans pour mettre au point ByFusion.

 

Il sera aussi possible de réduire la pollution plastique de 20% supplémentaires d’ici à 2040 si le recyclage devient une activité plus stable et plus rentable. La suppression des subventions aux combustibles fossiles, l’application de directives de conception visant à améliorer la recyclabilité et d’autres mesures permettraient de faire passer la part des plastiques économiquement recyclables de 21 à 50%. Dans une autre mesure, le remplacement judicieux de produits tels que les emballages en plastique, les sachets et les plats à emporter par des produits fabriqués à partir de matériaux alternatifs (tels que le papier ou les matériaux compostables) pourra entraîner une diminution supplémentaire de 17% de la pollution par les plastiques.

Dans le quatrième axe de sa nouvelle stratégie, le PNUE suggère de définir et de mettre en œuvre des normes de conception et de sécurité pour l’élimination des déchets plastiques non recyclables et de rendre les fabricants responsables des produits contenant des micro-plastiques. Le passage à une économie circulaire permettrait de réaliser 1,27 trillion de dollars d’économies compte tenu des coûts et des recettes du recyclage. En outre, les externalités évitées (santé, climat, pollution de l’air, dégradation des écosystèmes marins et coûts liés aux litiges) permettraient d’économiser 3.250 milliards de dollars.

Le changement de politique dans la gestion des déchets plastique induira automatiquement la création de 700.000 nouveaux emplois dans les pays à faible revenu à l’horizon 2040. « Les coûts d’investissement pour le changement systémique recommandé sont importants, mais inférieurs aux dépenses prévues si le changement systématique n’est pas entrepris : 65 milliards de dollars par an contre 113 milliards de dollars par an», peut-on lire dans la feuille de route du PNUE. Il faudra toutefois procéder à ces ajustements rapidement pour éviter un retard qui pourrait faire plus de mal. Le PNUD souligne qu’un retard de cinq ans pourrait entraîner une augmentation de 80 millions de tonnes métriques de la pollution plastique d’ici à 2040.

Pour réduire la pollution plastique, l’organisme de l’ONU recommande aussi qu’un cadre fiscal mondial fasse partie d’un pacte politique pour permettre aux matériaux recyclés de concurrencer les matériaux vierges sur un pied d’égalité, de créer une économie d’échelle pour les solutions, et établir des systèmes de suivi et des mécanismes de financement. «Si nous suivons cette feuille de route, y compris lors des négociations sur l’accord relatif à la pollution plastique, nous pouvons obtenir des résultats économiques, sociaux et environnementaux majeurs», indique le PNUE.

 

 

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