Espagne : les énergies renouvelables mises en cause après une panne géante

Deux jours après la panne électrique massive qui a plongé la péninsule ibérique dans le chaos, la stabilité du réseau électrique espagnol est au cœur d’un débat national. Alors que les autorités appellent au calme, plusieurs voix pointent du doigt le rôle croissant des énergies renouvelables dans le mix énergétique espagnol.

Le quotidien ABC évoque en Une « le manque de centrales nucléaires et le boom des renouvelables » comme cause de la panne. Même tonalité chez El Mundo, qui dénonce « l’ignorance des alertes » sur les failles d’un réseau trop dépendant du solaire et de l’éolien.

Depuis plusieurs années, le gouvernement de Pedro Sánchez a fait de la transition énergétique un pilier de sa politique. En 2024, selon le gestionnaire du réseau REE, les énergies solaire et éolienne ont représenté près de 40 % du mix électrique, soit le double de la part du nucléaire, désormais limitée à 20 %. Ce basculement, bien qu’ambitieux, soulève des inquiétudes sur la résilience du système.

Dans un rapport publié en février, Redeia, maison-mère de REE, alertait sur « la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations », évoquant des risques de déséquilibre potentiellement sévères entre l’offre et la demande d’électricité.

La Commission nationale des marchés et de la concurrence (CNMC) confirmait ces tensions en janvier, signalant des dépassements ponctuels des seuils autorisés sur le réseau de transport. Selon plusieurs experts, l’incapacité à compenser rapidement une chute brutale de production — plus difficile avec les sources intermittentes comme l’éolien ou le solaire — pourrait expliquer l’effondrement survenu lundi.

D’après REE, 60 % de la consommation électrique espagnole (soit 15 GW) se sont volatilisés en cinq secondes à 12 h 33. Deux incidents distincts, espacés d’une seconde et demie, pourraient en être la cause, dont l’un lié à une centrale solaire dans le sud-ouest du pays.

Face aux critiques, les autorités défendent leur stratégie. La présidente de REE, Beatriz Corredor, a déclaré mercredi sur Cadena Ser que « relier cet incident à la pénétration des renouvelables n’est pas correct ». Elle a souligné que les rapports de Redeia évoquent des risques théoriques, sans lien avéré avec la panne.

Même ton du côté du gouvernement : la ministre de la Transition écologique, Sara Aagesen, a jugé « imprudent de faire des spéculations » et réaffirmé que le réseau espagnol reste « robuste ». Le chef du gouvernement, Pedro Sánchez, a, lui, dénoncé des accusations « mensongères » ou « ignorantes ».

La piste d’une cyberattaque est également explorée, bien que REE assure n’avoir détecté « aucune intrusion » dans ses systèmes. La justice a néanmoins ouvert une enquête pour en déterminer les causes exactes.

En attendant les conclusions officielles, la crise relance un débat crucial pour l’Espagne et pour d’autres pays européens : comment concilier transition énergétique ambitieuse et sécurité d’approvisionnement à l’heure de l’électrification croissante des usages ?

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