Comprendre le lien entre harcèlement au travail et facteurs organisationnels
Eurofound (la fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail) collecte des données sur les conditions d’emploi et la qualité de vie des salariés de l’Union européenne depuis 1990. Selon la 5e enquête publiée en 2010, 10,5 % des salariés français interrogés ont déclaré avoir été victimes de situations de violence au travail et 9,5 % estiment avoir été victimes de harcèlement dans l’année passée. Dans la dernière enquête datant de 2015, 24 % des Français déclarent avoir été victimes de violences au travail, sans précisions sur l’origine et la nature de ces violences.
Il est difficile de réunir des données claires, fiables et précises sur la prévalence du harcèlement au travail. Les chercheurs pointent en effet les disparités de résultats selon la méthodologie utilisée.
Les facteurs organisationnels qui semblent en cause
Au-delà des facteurs individuels et des données de prévalence, des chercheurs d’équipes françaises et danoises se sont récemment intéressés aux facteurs de l’environnement de travail qui semblent favoriser l’émergence, le maintien ou l’aggravation du harcèlement.
Le premier facteur est le contenu du travail. Il semble que le harcèlement déclaré et observé soit plus important pour les emplois dont les tâches à mettre en œuvre sont peu variées et où les compétences à mobiliser sont peu diversifiées.
La manière dont le travail est réalisé semble également avoir une influence. C’est lorsque les salariés ont le moins d’autonomie qu’on observe le plus de situation de harcèlement, et notamment lorsque les process du travail ne permettent pas aux salariés de déterminer eux-mêmes comment ils vont organiser et effectuer leur différentes tâches, ou lorsqu’un supérieur doit systématiquement en contrôler le résultat.
La notion de temps du travail est aussi déterminante. De fortes contraintes temporelles favorisent l’émergence de situations de harcèlement (horaires prolongés, activité intense, exigence de performance qualitative dans un temps limité). Au contraire, les environnements où les salariés déclarent que les moyens humains déployés sont suffisants semblent préservés.
L’articulation entre les différents membres de l’équipe pour réaliser le travail a également fait l’objet d’investigations. Il semble que les environnements les plus touchés sont ceux où le partage d’informations est faible (contenu du travail, gestion opérationnelle courante, objectifs collectifs). Un manque de clarté des rôles au sein de l’entreprise a également une influence négative. Par ailleurs, un faible soutien émotionnel et opérationnel entre collègue ou de la part d’un supérieur peut être un facteur déclenchant ou aggravant. Au contraire, un soutien important est protecteur.
Les chercheurs pointent en dernier lieu l’effet de l’instabilité dans le travail. L’équipe danoise observe que les situations de harcèlement sont d’autant plus nombreuses que les salariés craignent et ont une vision négative du changement (peur d’avoir des nouvelles contraintes, peur de perdre son emploi, etc.). L’équipe française a constaté que les salariés dans des situations d’emplois précaires (CDD, apprentissage et stage) avaient plus de risque d’être harcelés.
En conclusion
Ces études confirment que les facteurs déclenchant ou aggravant du harcèlement sont multiples. La nature du travail, la manière dont il est réalisé par les différents membres de l’équipe, le temps dans lequel il est réalisé ainsi que la stabilité de l’entreprise et du contrat de travail peuvent avoir une influence. C’est en analysant préalablement ces facteurs que les entreprises ont le plus de chance de mener des actions de prévention efficaces.
Sources :
Bouville, G. & Campoy, E. (2012). Une approche organisationnelle du harcèlement moral
Agervold, M. (2009), The significance of organizational factors for the incidence of bullying,Scandinavian Journal of Psychology