Réforme du contrôle technique et assurance décennale au Maroc

Entretien avec M. Driss Elbhaloul

BTPNews : Pourriez-vous nous expliquer le contexte du contrôle technique au Maroc, notamment à la lumière de la nouvelle obligation d’assurance tous risques chantier et d’assurance de garantie de responsabilité civile décennale ? Peut-on considérer cela comme une révolution en matière de sécurité dans le domaine de la construction ?

Driss Elbhaloul : Au Maroc, le secteur de la construction a récemment connu un tournant significatif avec l’entrée en vigueur du dernier arrêté ministériel rendant l’assurance de garantie décennale obligatoire. Ce changement marque un pas de plus dans l’amélioration de la sécurité et de la qualité des constructions, en particulier pour les projets immobiliers et de génie civil. En parallèle, le contrôle technique des constructions continue de jouer un rôle crucial pour assurer la conformité aux normes et règlements en vigueur au Maroc.

Le contrôle technique des constructions au Maroc est cadré par la norme marocaine NM 10.8.326, visant à garantir que les projets de construction respectent les normes en matière de sécurité, de stabilité et de durabilité. Ce contrôle est réalisé par des bureaux de contrôle agréés et couvre plusieurs aspects techniques des ouvrages, notamment la solidité des ouvrages, la sécurité des personnes, le fonctionnement normal des installations techniques et d’autres missions complémentaires. Je précise ici que la notion de solidité est comprise au sens large, incluant tant la résistance à froid que la résistance à l’incendie.

Le contrôle technique intervient tout au long du cycle de vie de la construction, depuis la phase de conception jusqu’à la réception de l’ouvrage. Cela permet de détecter d’éventuelles non-conformités qui pourraient compromettre la sécurité des occupants ou la durabilité des bâtiments. Des rapports sont établis et envoyés aux assureurs pour l’obtention de l’assurance RC Décennale. En parallèle, un certificat de conformité établi par le contrôleur technique agréé est délivré au maître d’ouvrage, attestant la conformité des travaux aux plans d’exécution, aux règles et règlements en vigueur.

BTPNews : Pourquoi cette obligation d’assurance ?

Driss Elbhaloul : Il faut dire que la garantie décennale est une obligation légale depuis longtemps, selon l’article 769 du Code des Obligations et Contrats :

« L’architecte ou ingénieur et l’entrepreneur chargés directement par le maître d’ouvrage sont responsables lorsque, dans les dix années à partir de l’achèvement de l’édifice ou autre ouvrage dont ils ont dirigé ou exécuté les travaux, l’ouvrage s’écroule, en tout ou en partie, ou présente un danger évident de s’écrouler, par défaut des matériaux, par le vice de la construction ou par le vice du sol. »

La nouvelle loi 59-13 a rendu obligatoire la souscription d’une assurance couvrant cette garantie. Ce transfert de responsabilité des acteurs de la construction vers l’assurance permet de faciliter la procédure d’indemnisation afin de protéger au mieux les acheteurs et les utilisateurs des bâtiments contre les risques de malfaçons, de vices cachés ou d’autres défauts susceptibles d’affecter la solidité de l’ouvrage.

En d’autres termes, si un défaut majeur affecte la structure ou la sécurité d’un bâtiment pendant cette période de dix ans, l’assurance de garantie décennale permet à l’acheteur d’être indemnisé pour les réparations nécessaires de façon sûre et rapide. Cette mesure vise également à limiter les conflits entre les propriétaires et les constructeurs en cas de sinistre et à renforcer la confiance dans le marché immobilier marocain.

BTPNews : Comment l’assureur peut-il faire confiance au bureau de contrôle pour garantir un ouvrage ?

Driss Elbhaloul : Le bureau de contrôle est l’œil technique de l’assureur. Il doit vérifier la conception, la mise en œuvre, l’utilisation de matériaux ou de procédés nouveaux… Il doit alerter l’assureur en cas de problème et, pour cela, il doit disposer de moyens humains et techniques à la hauteur des attentes des assureurs. Il doit également compter sur des ingénieurs et techniciens compétents, en nombre suffisant, au regard du nombre de chantiers contrôlés.

Il est aussi impératif de leur assurer une formation continue adaptée aux besoins du marché. C’est dans ce cadre que nous avons organisé aujourd’hui cette formation sur les planchers en post-tension, animée par notre expert Monsieur TRINH, consultant indépendant, formateur à MONITEUR Formations, PFC, AFNOR, et membre des commissions françaises et européennes, notamment pour la réglementation et la normalisation de ces produits. Il a également été professeur à l’ENPC Paris, l’ESTP Paris et le CHEC Paris.

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