Essaouira : La médina entre renaissance et vigilance – un chantier patrimonial à consolider
Classée patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2001, la médina d’Essaouira est bien plus qu’un joyau architectural. C’est un espace vivant, habité, traversé chaque jour par des familles, des artisans, des commerçants et des visiteurs venus du monde entier. Et si le charme opère toujours dans ses ruelles balayées par les vents de l’Atlantique, un enjeu majeur s’y impose : celui de la sécurité et de la préservation du tissu bâti, menacé par le temps et l’usure.
110 millions de dirhams pour sauver les bâtisses fragiles
Face à l’urgence, les autorités ont réagi. Un enveloppe de 110 millions de dirhams a été mobilisée dans le cadre du programme complémentaire de réhabilitation et de valorisation de la médina. Ce plan ambitieux vise à consolider 333 bâtiments à risque pour un coût de 60 millions de dirhams, à réhabiliter partiellement 123 autres bâtisses (8 millions de dirhams) et à indemniser directement 800 familles concernées, pour un montant global de 32 millions de dirhams.
Ces chiffres traduisent une volonté claire : stopper la dégradation du bâti et protéger la vie des habitants, sans trahir l’âme du lieu. Le programme est pensé comme une réponse concrète à une douleur bien réelle : celle de vivre chaque jour sous la menace d’un effondrement.
Un patrimoine en péril, des vies en jeu
Dans des quartiers comme la rue Zerktouni, l’une des plus animées de la médina, des édifices fissurés et affaiblis par les années suscitent des inquiétudes croissantes. À chaque averse ou rafale de vent, l’angoisse monte. Les murs s’écaillent, les toitures ploient, et les passants n’ont d’autre choix que d’adopter des itinéraires d’évitement.
Un habitant confie : « Ce n’est pas seulement une question de murs ou de patrimoine. C’est une question de sécurité pour nous et nos enfants. »
Cette réalité rappelle que la médina ne doit pas être figée dans une image de carte postale. Elle est un espace de vie, un creuset de mémoire et un vecteur de développement. Et chaque bâtiment menacé est à la fois un risque humain et une blessure dans la continuité urbaine.
Les avancées ne doivent pas masquer les attentes
Il serait injuste de nier les efforts fournis jusqu’ici. Plusieurs bâtiments ont été restaurés avec soin, redonnant vie à des lieux symboliques et améliorant les conditions de vie de nombreuses familles. Ces chantiers sont visibles, concrets, et participent à la redynamisation culturelle et touristique de la ville.
Mais le défi reste de taille. D’autres bâtisses, souvent habitées par des familles modestes, attendent encore leur tour. Certains acteurs locaux déplorent des lenteurs administratives et un manque de réactivité dans la mise en œuvre des programmes déjà budgétisés.
« Il y a des plans, des financements, des promesses. Ce qu’il faut désormais, c’est du suivi, de la transparence et un vrai courage politique », affirme un militant associatif local.
Construire un modèle Essaouira de sauvegarde participative
La bonne nouvelle, c’est que les leviers existent. Le classement UNESCO, le dynamisme du tourisme culturel, la mobilisation des ONG locales et la disponibilité de fonds publics créent un écosystème propice à un chantier exemplaire. Encore faut-il que les efforts soient mieux coordonnés, que les habitants soient davantage impliqués, et que chaque décision intègre à la fois la dimension patrimoniale, sociale et humaine du tissu urbain.
Essaouira a les atouts pour devenir un modèle méditerranéen de réhabilitation intelligente, alliant authenticité architecturale, sécurité et inclusion. Il ne manque que l’accélération de la cadence, la valorisation des bonnes pratiques, et une communication transparente sur les avancées comme sur les blocages.