Béton non conforme? pas de panique

La qualité du béton est déterminée avant tout par sa résistance à la compression c’est-à-dire sa capacité à supporter les charges qui tendent à réduire sa taille en le comprimant. Sa valeur est obtenue à l’aide de l’essai d’écrasement dont le principe est de soumettre sur une machine mécanique spécialement conçue à cet effet une éprouvette normalisée, de forme cylindrique ou cubique, à une force progressivement croissante en la plaçant entre les deux plateaux de l’appareil jusqu’à la rupture.

Par ailleurs, les réactions chimiques d’hydratation, qui permettent à la pâte de passer de l’état liquide à l’état solide et qui entraînent la prise et le durcissement progressifs du matériau, sont assez lentes. De ce fait, la résistance évolue faiblement dans le temps et ne devient presque stable qu’au bout de 28 jours et c’est cette valeur qui est prise comme référence dans les calculs. Par conséquent, la qualité du béton ne peut être définitivement validée qu’après l’expiration d’un délai d’environ un mois à partir du moment du coulage. Pourtant, les travaux sont sensés se poursuivre durant toute cette période.

Que faire donc si après 28 jours le béton s’avère inacceptable alors qu’entretemps, plusieurs étages par exemple sont réalisés au-dessus de la structure non-conforme ? Lorsque le volume concerné ainsi que celui des éléments coulés par-dessus ou qui risquent d’être abandonnés ne sont pas considérables, la démolition peut s’avérer la meilleure des options sauf que dans la pratique, elle est pour la plupart des cas un choix onéreux, ce qui fait d’elle un ultime recours une fois que toutes les variantes sont épuisées.

Écrasement au-delà de 28 jours

Il arrive que la résistance à la compression continue d’augmenter étonnamment de manière significative même au-delà de l’âge de maturité. En effet, certains adjuvants, comme en particulier les retardateurs de prise qui sont couramment utilisés par temps chaud, dans le cas d’un temps de transport allongé ou lors d’une mise en place compliquée pour augmenter le temps de début de prise du ciment et éviter les reprises de bétonnage, peuvent avoir comme effets secondaires la diminution de la résistance à jeune âge et surtout son augmentation de façon remarquable au-delà de 28 jours.

Par ailleurs, la baisse de la température ambiante retarde le durcissement du béton par conséquent les résistances demeurent faibles même au bout de plusieurs jours en raison du ralentissement des réactions d’hydratation du ciment, ce qui entraîne un élargissement du temps de durcissement. En somme, lorsque les écrasements à 28 jours présentent des résultats non-conformes, il est recommandé de prévoir des essais au-delà de cet âge dans l’espoir que les performances mécaniques évoluent suffisamment pour que le matériau devienne acceptable. Il est donc prudent d’effectuer à l’avance les prélèvements en nombre suffisant notamment lors des premiers coulages surtout si la production se fait in-situ, jusqu’à une parfaite maîtrise de la qualité du produit. Traditionnellement, les écrasements sont réalisés à 45 jours ou, le cas échéant, à 90 jours.

Vérification avec les résistances obtenues

Les ouvrages en béton armé sont dimensionnés évidemment pour pouvoir résister aux charges d’exploitation ainsi qu’aux charges permanentes auxquelles ils sont soumis, tout en garantissant une optimisation maximale des volumes des matériaux. Toutefois, une marge de sécurité est systématiquement prévue dans l’objectif de compenser les éventuels malfaçons et défauts sur les matériaux, parce que les calculs sont, entre autres, basés sur la résistance à la compression du béton et la limite d’élasticité de l’acier, fixées à l’avance. Ces légers agrandissements délibérés des sections contribuent également à contrebalancer les imprécisions probables sur les dimensions, l’enrobage, la verticalité et sur les espacements des armatures transversales ainsi que les incertitudes sur les actions, puisqu’un dépassement des valeurs prises pour le calcul est envisageable.

Dans le cas où le nombre des éprouvettes confectionnées n’est pas suffisant pour effectuer des essais au-delà de 28 jours ou lorsque les essais d’écrasement donnent lieu à des valeurs non-conformes même à 90 jours, il est préconisé de demander au bureau d’étude de reprendre ses calculs en introduisant dans les formules les résistances réelles obtenues. Ainsi, si les critères de stabilité sont respectés, le béton peut être considéré conforme même si sa résistance ne l’est pas.

Méthodes non destructives: Essai au scléromètre

Cette technique non destructive permet de mesurer la dureté d’un parement de béton à l’aide d’un scléromètre par mesure du rebond d’une bille projetée sur sa surface. L’appareil est composé de la masselotte projetée par un ressort sur une tige métallique en contact avec la surface du béton. Le rebondissement est d’autant plus important que la surface du béton est très dure. Les valeurs eues sont ensuite introduites dans des abaques empiriques pour déterminer la résistance à la compression. Cet essai est facile à mettre en œuvre, économique et donne la possibilité d’obtenir une évaluation rapide de la résistance. Néanmoins, les résultats doivent être exploités avec la plus grande prudence étant donné qu’il ne s’agit que d’une estimation de la résistance à partir des propriétés de la surface.

Essai d’auscultation dynamique

Son principe est de mesurer le temps mis par des impulsions ultrasoniques, traversant le béton, pour parcourir une distance donnée afin de calculer la vitesse de propagation. Cette technique est idéale pour se renseigner sur l’homogénéité du matériau puisqu’elle donne des informations sur les parties intérieures. Dans la pratique, elle est jugée comme un outil additionnel pour l’estimation de la résistance et non de remplacement. D’ailleurs, elle n’est pas assez efficace à cause du grand nombre de variables influençant la relation entre la résistance et la vitesse de propagation des ondes si bien que l’interprétation des résultats nécessite la prise en considération du taux d’influence de chacun de ces paramètres.

Carottage

Il s’agit d’une méthode destructive permettant de déterminer la valeur de la résistance à la compression à travers des essais réalisés en laboratoire sur des carottes cylindriques prélevées sur un béton durci à l’aide d’un carottier. Les emplacements des carottes doivent être soigneusement choisis pour non seulement éviter, dans la mesure du possible, la présence des armatures, mais encore, afin que le traitement des vides créés dans le béton soit possible. Elle est, en revanche, coûteuse et souvent difficile à réaliser en raison de la présence des barres d’acier voire impossible lorsque, à titre d’exemple, les dimensions des éléments concernés ne le permettent pas.

Renforcement de la structure

Dans l’hypothèse où les recours précédents n’aboutissent pas, la structure non-conforme peut être renforcée par une ossature supplémentaire, en béton armé ou en charpente métallique pour reprendre une partie des efforts appliqués, ou par une augmentation des sections via un ferraillage et un béton additionnels. Toutefois, cette solution est généralement onéreuse et peut avoir un impact sur l’aspect architectural de l’ouvrage.

De la même manière, une autre technique consiste à utiliser des tôles d’acier reliées à la surface du béton pour le transfert des efforts et l’augmentation de la résistance ainsi que la rigidité. En outre, ce procédé présente l’avantage d’être économique et de ne modifier ni la forme ni les dimensions des éléments réparés.

Pareillement, des matériaux composites peuvent remplacer ces plaques d’acier par collage. Il est vrai que cette dernière solution est plus coûteuse mais elle reste favorisée en raison de sa grande facilité de mise en œuvre. La réparation peut en dernier lieu se faire également par l’ajout d’armatures de précontrainte afin d’introduire dans la structure des sollicitations complémentaires en vue de compenser les défauts du béton non-conforme.

Changement de la destination de l’ouvrage

La solution consiste à diminuer les charges d’exploitation auxquelles est soumis l’ouvrage et plus particulièrement les parties concernées par le béton non-conforme, en changeant la destination initiale de façon à ce que la structure puisse supporter ces nouvelles sollicitations. En effet, le dimensionnement de l’ouvrage se fait habituellement en fonction de la nature de l’utilisation normale que les personnes en font.

A titre d’exemple, une charge uniformément répartie de 1.5KN/m2 est appliquée pour le calcul des bâtiments réservés à l’habitation, 2.5 KN/m2 à 5 KN/m2 pour les lieux des réunions, 5 KN/m2 pour les commerces et 7.5 KN/m2 pour les aires de stockage. Ainsi, le passage d’une catégorie à une autre est susceptible d’entraîner une baisse des charges d’exploitation pouvant aller jusqu’à 80% si bien qu’une structure non-conforme pour un usage peut être conforme pour un autre. Toutefois, cette modification d’affectation nécessite avant tout et au-delà des aspects administratifs et juridiques, une vérification de la faisabilité technique.

En effet, une analyse au regard des lois et des règlements en vigueur ainsi que certaines adaptations s’imposent et doivent être prises en considération selon l’emploi envisagé. De ce fait, la transformation peut requérir des ajustements concernant l’accessibilité des personnes à mobilité réduite (PMR), le nombre de places de stationnement qui leur sont réservées et de manière générale, la capacité totale des parkings. Au sujet des établissements recevant du public, des exigences doivent être observées pour la sécurité incendie d’une part, et d’autre part, en ce qui concerne la largeur et la nature des circulations en particulier pour que les PMR puissent accéder à l’ensemble des locaux ouverts au public et en ressortir de manière autonome. De surcroît, en plus de la modification probable des charges du copropriétaire concerné, d’éventuelles contraintes supplémentaires liées au type de l’activité doivent être traitées notamment lorsque la profession exercée porte atteinte aux copropriétaires de par les odeurs ou le bruit.

En guise de conclusion, les progrès enregistrés dans le domaine du BTP facilitent énormément l’accélération des cadences des travaux au point que le délai de 28 jours, nécessaire pour se prononcer définitivement sur la qualité du béton, s’avère trop large. Par ailleurs, même si la vitesse de durcissement peut être affectée par la nature du ciment, les conditions climatiques, la quantité d’eau utilisée ainsi que la nature et le pourcentage de certains adjuvants, les résultats des écrasements obtenus à 7 jours sont essentiels dans la mesure où ils permettent de tirer le signal d’alarme à jeune âge, dans le cas où les valeurs obtenues sont anormalement faibles, pour lancer des actions préventives immédiates sans forcément attendre l’écoulement des trois autres semaines. Par conséquent, il est fortement recommandé de prendre une marge de sécurité dans les dosages lors des premières productions pour ensuite optimiser au lieu de faire le chemin inverse vue l’ampleur de l’enjeu.

Abdelhak EL MOULI Ingénieur d’état en génie civil, lauréat de l’Ecole Mohammadia des Ingénieurs
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